J’ai interpellé le ministre Di Antonio sur un cas pour le moins… interpellant d’application du CoDT, en province de Hainaut.

Le Code du Développement Territorial wallon a déjà beaucoup fait parler de lui, et pas toujours de manière positive. Et ce n’est pas mon interpellation au ministre Carlo Di Antonio du lundi 12 juin qui va redorer le blason de ce qu’on nomme plus communément le CoDT.

Sans entrer dans les détails techniques, j’ai voulu ouvrir les yeux du ministre régional de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal.

« Le CoDT est à peine entré en application que, déjà, des choses surprenantes arrivent, ai-je notamment expliqué lors de mon interpellation en commission de l’Environnement du Parlement wallon, en visant un contrat de partenariat relatif à la mise en oeuvre du CoDT par le fonctionnaire délégué de Charleroi et une commune hennuyère par le biais d’un membre du collège. Or, si une telle convention devait se faire, c’est le conseil communal qui pourrait engager la commune. »

Autre surprise : le fait que le fonctionnaire délégué s’engage activement à soutenir toute démarche de la commune visant à faire réaliser dans un délai maximal d’un an un ou plusieurs SOL (schémas d’orientation locale). Mais où pêche-t-il cette compétence, le fonctionnaire délégué ? Ce dernier entend également imposer au demandeur de lui transmettre son dossier et son accusé de réception. Où va-t-il chercher cette règle ?

« Illégal, encore, le fait pour le fonctionnaire délégué de vouloir imposer par ce type de contrat, la fourniture de documents qui ne sont pas repris dans l’arrêté du gouvernement wallon ni dans les annexes obligatoires de demandes de permis, ai-je ajouté. Le fonctionnaire délégué qui entend également imposer que les avertissements envoyés aux contrevenant ne le soient pas uniquement par l’agent constatateur désigné, ce qui est une restriction illégale par rapport au CoDT. »

Si l’on en croit un autre passage du texte qui m’est parvenu, la commune s’engage à prendre au minimum 90% de décisions légales ; ce qui sous-entend qu’elle peut en prendre 10% d’illégales, c’est-à-dire ne faisant pas l’objet de la suspension du fonctionnaire délégué telle que prévue dans le CoDT. Là, nous sommes à la limite du pénal !

Plus loin, il est stipulé que « le non-respect de l’ensemble des engagements mutuels précités ouvre le droit pour chacune des parties à faire usage illimité de l’ensemble des éléments de procédures prévus au CoDT ». Bref, si la commune ne fait pas ce qu’on lui dit de faire, le fonctionnaire délégué va utiliser tous les moyens prévus par le CoDT pour véritablement bloquer les dossiers. C’est du chantage, et c’est un délit pénal.

J’ai donc demandé au ministre sa réaction par rapport à ce texte, l’attitude que devraient avoir les communes concernées et comment faire pour empêcher de tels comportements.

La réponse de Carlo Di Antonio ? La voici, dans sa quasi intégralité :

« Globalement, sur l’entrée en vigueur du CoDT, les premières demandes relevant de cette législation ont été introduites dès ce premier juin par les services communaux et régionaux. Je n’ai à ce jour pas de connaissance de gros problèmes, c’est un peu tôt après deux semaines. Il est donc prématuré à ce moment d’évaluer les mécanismes tels qu’ils ont été mis en place. Pour rappel, une task force est également à l’ouvrage en parallèle et va lister l’ensemble des problématiques et des retours et, le cas échéant, m’alerter sur certains problèmes. Une série de questions techniques, juridiques et pratiques sont parvenues à mon cabinet ces dernières semaines, ces derniers mois. Mon équipe, en collaboration avec l’administration, les analysés et a formulé à la chaque fois des réponses en vue notamment, dans un certain nombre de cas, de les publier sur le site Internet de la DGO4. »

« En ce qui concerne les modalités de collaboration entre les communes et les fonctionnaires délégués, je suis favorable aux nombreuses initiatives mises en place par les communes et les fonctionnaires délégués pour développer des processus de collaboration permettant d’atteindre les objectifs du CoDT, notamment quant au respect des délais de décision des permis. Il est important que les fonctionnaires délégués développent un maximum de synergies avec les communes de leur ressort en vue d’assurer une gestion quotidienne efficace des dossiers d’urbanisme. J’ai pu me rendre compte, lors des formations organisées sur l’ensemble du territoire wallon, du dynamisme et des initiatives positives que suscite l’entrée en vigueur du CoDT et je m’en réjouis. La directrice générale a, à juste titre, fixé des objectifs spécifiques à l’ensemble des fonctionnaires délégués en vue d’une mise en œuvre harmonieuse du CoDT en les incitant à prendre contact avec les communes. Chaque fonctionnaire délégué était libre de formaliser ces objectifs selon le mode qui lui semble le plus approprié. Ainsi, différentes formules ont vu le jour avec un degré de souplesse ou de rigidité très variable d’une direction à l’autre. C’est ce dont vous voulez discuter ici. Le fait de formaliser les modalités de collaboration dans une convention n’a rien de répréhensible en soi pour autant que deux conditions soient respectées : les communes doivent rester libres d’y souscrire ou non et cette convention ne peut contenir aucune disposition contraire ou plus contraignante que ce que prévoit le CoDT.

Selon le fonctionnaire délégué de Charleroi, sur 25 communes contactées, 24 ont signé la convention. Une seule commune, bien que partageant les objectifs qui y figurent, n’a pas souhaité signer la convention. Les communes ont pu y faire figurer des modalités spécifiques ou apporter les nuances souhaitées. Il relève par ailleurs que les conventions sont signées par le bourgmestre et le directeur général, ce qui est un gage de la légalité de la teneur de la convention.

Cependant, force est de constater que cette convention contient des restrictions de certaines dispositions du code. À titre d’exemple, je ne peux cautionner le fait que le fonctionnaire délégué ne réponde pas aux avis facultatifs dans les cas où les communes solliciteraient son avis sans en tenir compte, uniquement pour gagner du temps.
Je confirme que les dispositions du CoDT doivent être appliquées telles quelles et que, si correction il doit y avoir, c’est au terme d’une évaluation des dispositions. Si, dans l’année qui vient, l’on constate que cela pose problème, on le corrigera dans le décret ou dans les arrêtés, mais ce n’est pas une convention qui va corriger le texte légal.

Je resterai donc particulièrement attentif à la mise en œuvre uniforme et fidèle des textes sur l’ensemble du territoire wallon. Les travaux de la task force sont un des moyens d’y arriver, de même que, si nécessaire, l’adoption d’instructions et/ou de circulaires administratives. Il y a de bonnes choses, à travers le fait d’organiser la concertation entre les fonctionnaires délégués et les communes.
Cela semble ici, pour au minimum 24 des 25 communes contactées, ne pas poser de problème, puisqu’elles se sont engagées à respecter cela, mais on ne peut pas accepter dans cette convention des dispositions qui soient contraires ou plus contraignantes au code. Nous l’avons fait savoir, nous n’avions pas connaissance préalablement de cette convention. Suite à vos questionnements, on a pu en prendre connaissance, la lire et le fonctionnaire délégué a été prévenu des problèmes que cela posait pour nous. »

Ce qui ne m’a pas convaincu.

J’ai directement précisé au ministre que je restais inquiet et sans voix par rapport à ce qu’il venait de dire. Car, « non, une convention signée par le bourgmestre et le directeur général n’a aucune valeur, d’autant plus que vous admettez vous-même que cette convention contient des illégalités. Non, 24 communes sur 25 n’ont pas signé en chantant la Marseillaise ou tout ce que l’on veut, elles ont signé contraintes et forcées, parce qu’il y a eu un véritable chantage. C’est en tout cas toutes les informations qui me sont revenues à ce propos-là. »

La suite de mon commentaire ? La voici :

« Lorsque je lis, outre ce que vous avez vous-même dit, avec raison en ce qui concerne les avis facultatifs, parce que je lis le fonctionnaire délégué dans la convention : « Si l’on ne suit pas mon avis facultatif, je n’en donnerai plus ». Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est du disciplinaire ! Quand je lis le recours à la prorogation de 30 jours, elle est limitée contractuellement à maximum 10 % des dossiers déposés. C’est du disciplinaire ! Un fonctionnaire délégué chargé d’appliquer la loi, chargé d’appliquer la disposition légale, la restreindre de cette manière-là, c’est du disciplinaire, c’est de la faute grave… »

« Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas un juriste qui a rédigé ce contrat-là. Je ne savais pas que je pouvais prendre 10 % de décisions illégales. Je savais qu’il y avait des recours, je savais qu’une instance supérieure pouvait décider si la décision que je prenais était illégale, mais je ne savais pas que j’avais un quota ; donc la commune s’engage à prendre au minimum 90 % de décisions légales. J’ai appris quelque chose… »

« Je me demande s’il ne serait pas utile que, dans le cadre des formations que vous mettez en place pour les fonctionnaires communaux, vous mettiez également en place une formation spéciale pour certains fonctionnaires délégués, parce que nous sommes ici en plein dérapage. Et votre réponse n’est pas satisfaisante… »

« Vous ne pouvez pas vous contenter d’une telle réponse, vous devez agir, vous devez faire autre chose. Nous sommes ici, je pense, aux frontières du disciplinaire et de la faute grave de la part d’un fonctionnaire délégué, de la part d’un fonctionnaire de l’administration wallonne. Il faut donc impérativement que vous ayez une autre réaction. »

A noter que mon collègue Stéphane Hazée (Ecolo) a abondé dans le même sens que celui de mon interpellation. « M. Wahl a développé un problème important…, a-t-il notamment déclaré. Monsieur Wahl a développé d’autres éléments qui laissent tout autant pantois… Je partage les doutes que M. Wahl a évoqués… Il est important que la législation puisse être appliquée, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, mais une fois qu’elle est votée, il est important qu’elle soit appliquée. »