La Flandre a déjà franchi le pas, la Wallonie se tâte, Bruxelles cale. Plus de quarante ans après la fusion des communes menée à bien par feu Joseph Michel, le débat renaît en Belgique. À l’exception notable du PTB, tous les partis francophones se disent ouverts à de nouvelles fusions, à condition qu’elles soient volontaires, et non plus obligatoires comme en 1977, et que les populations concernées soient consultées.
Le 1erjanvier 2019, la Région flamande comptera pile 300communes. Huit de moins qu’aujourd’hui. Sous l’impulsion du gouvernement nordiste, quinze communes vont en effet fusionner pour n’en former plus que sept. En Région bruxelloise, le débat n’a jamais pu être tranché. C’était la principale déception de Joseph Michel. Enfin, en Wallonie, la réflexion est en train de prendre corps et pourrait être l’un des chantiers des prochaines législatures –législature communale (2018-2024) et législature régionale (2019-2024).
Le MR en pointe
Le premier a avoir remis l’ouvrage sur le métier est Jean-Paul Wahl, chef du groupe MR au Parlement wallon et bourgmestre en titre de Jodoigne (Brabant wallon). “On se rend compte”, dit-il, “que, dans quelques années, les petites communes seront dans la quasi-impossibilité d’assumer tous les coûts auxquels elles font face parce que le coût de la vie augmente et parce que les exigences augmentent.”
En matière de sécurité routière, par exemple, les normes actuelles demandent davantage d’adaptations au niveau de l’infrastructure que par le passé, ce qui accroît les dépenses. Les finances communales ont en outre été mises sous pression par des éléments exogènes, comme la réforme fiscale du gouvernement fédéral, les exclusions du chômage (une charge pour les CPAS) ou encore la réforme des services d’incendie.
“Les six communes de l’est du Brabant wallon travaillent déjà très bien ensemble”, poursuit M.Wahl. Aménagement du territoire, culture, déneigement, partage du personnel, etc. Il y a aussi les collaborations imposées par le fédéral (police et services de secours). La supracommunalité, dont les intercommunales sont une concrétisation, “génère des économies d’échelle”. Mais, selon le libéral, la logique atteint ses limites. “À un moment, les choses doivent pouvoir se gérer à un niveau plus grand car la base actuelle n’est pas suffisante.”
Des pôles économiques
Il estime que des noyaux approchant les 30000 à 50000habitants auraient les reins plus solides pour faire face aux défis locaux actuels. “J’ai le sentiment que de nouvelles fusions arriveront naturellement, sans doute dans six ou douze ans. On aurait intérêt en Wallonie à avoir des pôles promoteurs de développement économique. Mais, pour cela, il faut avoir suffisamment de moyens.”
Dans la législature régionale en cours, l’ancien gouvernement wallon PS-CDH (2014-2017) s’est montré ouvert aux fusions. Selon le texte de la déclaration de politique régionale (DPR), il voulait “proposer un décret-cadre pour permettre, sur base volontaire, la fusion de communes contiguës […] après consultation des habitants”. L’exécutif suivant MR-CDH, en place jusqu’aux élections de mai 2019, s’est inscrit dans la logique. “Les fusions de communes sur base volontaire seront encouragées tant par des incitants financiers et réglementaires que par un support administratif et technique”, lit-on dans la DPR.
Initiatives locales
Aucun progrès n’a cependant été enregistré. Pour la ministre des Pouvoirs locaux, Valérie De Bue (MR), la problématique des fusions “est un sujet de mandature”, explique sa porte-parole. “C’est un défi pour 2019. On n’a pas assez de temps pour le mener à bien avant les élections. Mais la réflexion est initiée.”
Localement, quelques initiatives émergent. On le voit avec Jean-Paul Wahl du côté du Brabant wallon. Dans la série “Un jour, une commune” que La Libre a publiée cet été, une fusion entre Ath et Brugelette (Hainaut) a été évoquée. La ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve est également convoitée. Bref, le débat est lancé. Au minimum, il se conclura par un renforcement –déjà largement entamé– des collaborations supracommunales. Au maximum, par de nouvelles fusions.
“Il faudra voir la future déclaration de politique régionale pour savoir si la fusion de communes est perçue comme une priorité au regard d’autres enjeux de gouvernance, tels que le décumul”, commente Jérémy Dodeigne, politologue à l’université de Namur. “Il sera compliqué de gérer en même temps plusieurs dossiers qui mettent à mal les équilibres traditionnels” et fragilisent la position des municipalistes.
Source: Antoine Clevers-La Libre